L’institut pour le Développement de l’Enfant en partenariat avec le Ministère du Travail, de la Famille, de la Protection Sociale et des Personnes Agées, SERA ROMANIA et la Fédération des Organisations Non gouvernementales pour l’Enfant ont organisé mercredi 13 novembre 2013 une conférencé intitulée « Les effets de l’institutionnalisation sur le développement de l’enfant. Observation, diagnostic, prévention et conséquences à long terme ». Dans le cadre de cette conférence, ont été présentées les conclusions partielles d’une étude comparative du développement d’enfants institutionnalisés et d’enfants élevés au sein de leur familles. Cette étude, Bucharest Early intervention Project (BEIP), a été lancée en 2000 par trois professeurs américains : Nathan Fox, de l’Université du Maryland, Charles Nelson, de l’Université Harvad et Charles Zeanah de l’Université Tulane.
Il s’agit de la première étude de ce type. Concernant 208 enfants, elle a permis d’identifier des problèmes psychiatriques sévères, des disfonctionnement dans leur développement cognitif affectant le contrôle de leurs impulsions et leur capacité de mémoire.
Les trois professeurs américains ont également montré que l’institutionnalisation peu de temps après la naissance a des effets irréversibles, toutefois la désinstitutionnalisation rapide de l’enfant peut permettre des progrès important de développement.
La recherche a analysé en parallèle 136 enfants institutionnalisés et 72 enfants de la communauté, n’ayant jamais été institutionnalisés. Les enfants de la communauté ont été le groupe témoin, leur développement a été comparé avec celui des enfants institutionnalisés. Parmi ceux-ci, 68 ont étés placés en famille d’accueil par la Commission de Protection de l’Enfance et 68 ont continué à bénéficier d’un placement résidentiel, la Direction de Protection de l’Enfance n’ayant pas trouvé une solution de type familial pour ces enfants. Les trois chercheurs ont suivi l’évolution et le développement de ces enfants.
A ce jour, les résultats de l’étude BEIP montrent que les enfants qui ont été institutionnalisés très tôt présentent un risque important de développer un retard ou des troubles, tandis que ceux qui ont quitté les institutions pour être placés n famille d’accueil avant l’âge de 2 ans ont de meilleurs résultats, en particulier dans les domaines du développement cognitif, du développement du langage, de la santé mentale, de l’activité cérébrale et des habilités sociales, que ceux placés après l’âge de 2 ans.
La conférence a bénéficié de la participation du secrétaire d’Etat aux problèmes d’assistance sociale du Ministère du Travail, Codrin Scutaru, du secrétaire d’Etat du Ministère de l’Education Nationale, Vasilica Duminica, de l’adjoint de l’Avocat du Peuple, Ional Oprea, de la directrice de la Direction de Protection de l’Enfance, Elena Tudor, de parlementaires, et de directeurs des Direction d’Assistance Sociale et de Protection de l’Enfance du pays, de médecins spécialistes et de représentants d’organisations non gouvernementales du secteur.
« Aujourd’hui, l’Institut pour le Développement de l’Enfant montre avec une nouvelle approche que la place de l’enfant est au côtés de ceux qui peuvent lui donner l’affection et l’attention dont il a besoin. Nous continuons ainsi la désinstitutionalisation, car la place de l’enfant n’est pas en institution, mais au sein d’une famille, » a déclaré Codrin Scutaru, secrétaire d’Etat au Ministère du Travail.
« Le placement est une mesure de protection qui devrait assurer une prise en charge de l’enfant jusqu’à sa maturité ou jusqu’à ce qu’une autre mesure de protection soit mise en place. Une institution ne fonctionne pas comme une famille. Une institution ne peut pas assurer une aide pour les troubles émotionnels ou autres problèmes apparus en institution. J’espère que d’ici 2020, nous aurons de moins en moins d’institutions, car cela montre à quel point l’Etat est attentif aux besoins sociaux », a déclaré Bogdan Simion, directeur exécutif de l’Institut pour le Développement de l’Enfant et de SERA ROMANIA. Il a ajouté que les autorités devraient être attentives au phénomène du recul des naissances. « Si en 1990 ils y avaient 5,5 millions d’enfants, en 2012 nous n’en avions plus que 3,8 millions avec une tendance de baisse à 3,6 millions. Comme nous le voyons, chaque enfant que nous perdons dans le système de protection devient de plus en plus important pour le futur de la Roumanie », a expliqué Bogdan Simion.
«Il est important que les résultats de cette étude soient mis à disposition des chercheurs roumains, mais encore plus à la disposition des décideurs de Roumanie, au moment où le Ministère du Travail définit la stratégie pour la protection des droits de l’enfant pour la période 2014-2020. Suite à cette étude, il est certain qu’au cours de l’élaboration des politiques futures certains éléments vont être reconsidérés. C’est un motif de plus pour considérer la fermeture progressive des institutions et pour respecter le droit des enfants à être élevés au sein d’une famille, mais cela veut dire l’accroissement des politiques d’assistance sociale et pas seulement la fermeture d’institutions. Les résultats de l’étude mettent en avant le besoin de reconsidérer la gestion des cas, de réévaluer les modalités de travail du management des cas, on doit mettre l’accent non seulement sur la qualité des services en institution, mais avant tout se concentrer sur les solutions alternatives, telles que les familles d’accueil» a déclaré Gabriela Coman, présidente de la Fédération des ONG pour l’Enfance.
L’étude, commencée en 2000, sur des enfants pour majorité abandonnés à la naissance et placés en institutions à Bucarest, a apporté des informations détaillées sur le développement et le fonctionnement du cerveau des enfants, et montre précisément les effets du milieu où l’enfant grandit sur le développement du cerveau et le comportement de l’enfant. L’étude montre également l’importance d’une intervention précoce : plus les enfants sont placés rapidement en famille d’accueil, plus la rééducation est rapide. C’est la preuve la plus forte d’un point de vue scientifique que le développement est meilleur au sein d’une famille », a déclaré Charles Zeanah, de l’Université Tulane.
«Nous avons découvert une diminution des substances grises et blanches chez les enfants institutionnalisés, or il existe une substance dans le cerveau, la myéline, dont l’absence peut conduire à une sclérose en plaques. Non seulement nous avons constaté une activité réduite du cerveau, mais nous avons aussi observé une diminution du cerveau et du nombre total de neurones dans le cerveau. Parmi les enfants qui avaient moins de 2 ans quand ils ont quitté l’institution, on a constaté une amélioration de l’activité du cerveau, ainsi que des effets positifs sur le quotient intellectuel et sur l’attachement. Nous n’avons pas vu d’effets positifs dans tous les cas. Dans certaines situations, on n’a pas observé d’amélioration mais ces situations correspondent aux cas où les enfants n’ont pas été sortis des institutions suffisamment vite », a commenté Charles Nelson, de l’Université Harvad.
«Nous avons évalué des problèmes psychiatriques et nous avons découvert que les enfants ayant vécu en institutions ont plus de problèmes de ce type, que ceux qui vivent en famille. Quand ces enfants ont été placés en familles d’accueil certains problèmes psychiatriques, l’anxiété et la dépression se sont résolus. En ce qui concerne l’attachement et la capacité d’un enfant à développer une relation avec un adulte, les enfants d’institutions ne pouvaient pas développer de relations avec les travailleurs sociaux, mais quand nous les avons placés en familles d’accueil, ils ont pu développer une relation avec leur parent d’accueil. De plus, les enfants qui grandissent en institution ont des compétences sociales moindres. Nous avons mesuré leur quotient d’intelligence et avons découvert que lorsqu’un enfant est sorti de l’institution petit, son QI augmente considérablement : les enfants vivant en famille d’accueil ont un meilleur QI que ceux vivant en institutions. L’institutionnalisation a ainsi des effets négatifs sur le développement intellectuel de l’enfant et sur le développement de ses capacités sociales, toutefois une intervention à temps, avant l’âge de deux ans, est essentielle pour ce processus de récupération », a conclu le professeur Nathan Fox, de l’Université du Maryland, au cours de la conférence de Bucarest.