En 2010, la décision de supprimer l’Autorité Nationale pour la Protection des Droits de l’Enfant (ANPDC) avait été vivement critiquée par la société civile. La Fédération des Organisations Non gouvernementales pour l’Enfant (FONPC) avait alors adressé une lettre ouverte au Premier Ministre roumain critiquant la suppression d’une autorité chargée de surveiller le respect des droits de l’enfant.
Le 12 juin 2009, se basant sur les rapports des ONG nationales, le Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies a adopté les Observations et Recommandations finales adressées à la Roumanie. Le Comité a notamment recommandé à la Roumanie de renforcer l’ANPDC, de doter l’institution de moyens humains et financiers suffisants et de lui confier un mandat fort afin de coordonner efficacement la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant. Malheureusement, la suppression de l’ANPDC, en 2010, a constitué un pas en arrière dans la réforme du système de protection de l’enfance engagée depuis 1997.
La Fédération des Organisations Non gouvernementales pour l’Enfant salue aujourd’hui le rétablissement de l’Autorité Nationale pour la Protection des Droits de l’Enfant et l’Adoption (ANPDCA), et apprécie que le Gouvernement roumain manifeste ainsi son intérêt pour une problématique souvent oubliée, mais extrêmement importante pour l’avenir du pays. La FONPC salue également la nomination de Gabriela Coman, par le Premier ministre Victor Ponta, en qualité de Présidente de l’ANPDCA. La Fédération a souligné que cette nomination est une reconnaissance des qualités professionnelles de Madame Coman mais aussi une marque de confiance et de considération envers l’expérience et l’expertise dans le domaine des droits de l’enfant de la société civile et des organisations non gouvernementales qui soutiennent les interventions de l’Etat et parfois se substituent à l’Etat.
Rappelons que Gabriela Coman a été Présidente de la FONPC jusqu’au 23 avril 2014.
Madame Coman a débuté sa carrière dans le secteur de la Protection de l’Enfance en 1992, en tant qu’experte auprès des services centraux chargés de la protection de l’enfance. Elle a occupé successivement les postes de Chef de service, Directeur, Secrétaire Général puis Secrétaire d’Etat.
Entre 2001 et 2004, elle a été Secrétaire de l’ANPDC. La bonne gestion de l’institution a alors été soulignée dans les rapports périodiques de la Commission Européenne de 2002 et 2003. Madame Coman a été en charge de la Protection de l’Enfance pendant la période délicate de la préadhésion de la Roumanie à l’Union Européenne. En 2003, elle a été la candidate proposée par la Roumanie pour la Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies. Depuis 2007, elle est Directrice exécutive du Centre Roumain pour les enfants disparus et sexuellement exploités, FOCUS. Et depuis 2009, elle est membre du conseil d’administration de la Fédération européenne pour enfants disparus et sexuellement exploités, Missing Children Europe.
Du fait de ses activités dans le secteur associatif, elle a été élue, en 2009, Vice-présidente de la Fédération des Organisations non-gouvernementales pour l’Enfant (FONPC), avant d’être élue à l’unanimité Présidente de la Fédération en 2013.
A la tête de la FONPC, elle a contribué de manière significative à faire de cette institution le principal interlocuteur de l’Etat pour les questions de politiques publiques relatives à la protection de l’enfance.
La mission de l’ANPDCA est essentielle mais comporte de nombreux défis.
Au cours des quinze dernières années, le système de protection de l’enfance roumain a connu des progrès considérables. Au début des années 90, plus de 100.000 enfants vivaient dans des conditions précaires dans d’immenses institutions d’Etat. Aujourd’hui, il existe de nombreux services de type familial et communautaires dépendants de l’Etat ou d’organismes privés.
Toutefois, malgré les progrès réalisés et malgré la loi pour la promotion des droits de l’enfant entrée en vigueur le 1er janvier 2005, la réforme du système de protection de l’enfance est loin d’être achevée. Les principaux organismes publics en charge de la protection de l’enfance ne sont pas suffisamment développés. Et, aujourd’hui, 62 050 enfants sont encore sous la tutelle du système de protection de l’Etat, parmi eux 22 124, soit 35,66%, vivent dans l’une des 1 528 institutions de type résidentiel du pays. Parmi ces institutions, on en compte 110 de type ancien.
En Roumanie, la pauvreté et l’éclatement de la cellule familiale sont les causes principales des cas de séparation des enfants de leurs familles, du manque d’accès à l’éducation, aux loisirs ou à des services de santé adaptés. Les enfants dont les parents sont au chômage, ceux qui viennent de familles monoparentales ou encore ceux qui sont victimes de violences familiales, sont particulièrement vulnérables. Le non-respect de leurs droits est souvent tu, mais a des conséquences dramatiques sur le long terme. Les enfants sous la protection de l’Etat et en situation de handicap ont peu accès au placement en famille d’accueil. Ainsi, la proportion des enfants en situation de handicap parmi les enfants vivant en famille d’accueil est de 20% alors qu’elle est de 60% parmi les enfants placés en institutions.
En dépit des études montrant les effets négatifs de l’institutionnalisation sur l’enfant et malgré l’interdiction de placer les enfants de moins de 2 ans en institutions (Loi 272/2004), les statistiques de la Direction de la Protection de l’Enfance montre que sur la période janvier-septembre 2013, 246 enfants de moins d’un an et 477 enfants âgés entre 1 et 2 ans ont été placés dans des institutions résidentielles. Ces bébés s’ajoutent aux 2 072 enfants de 3 à 6 ans qui ne bénéficient pas d’un placement en famille d’accueil.
Plus de 9 ans après l’entrée en vigueur de la loi cadre relative à la protection de l’enfance et à la promotion des droits de l’enfant (Loi 272/2004), les autorités locales n’ont réussi à implanter que 50% des mesures prévues. Le développement insuffisant des services sociaux des mairies privent les bénéficiaires – les enfants et leurs familles – de services adaptés à leurs besoins.
Les Directions Départementales de la Protection de l’Enfance, employeurs principaux du personnel des services sociaux dans les départements, font face à d’importantes difficultés. Un audit national réalisé par la Ministère du Travail, de la Protection Sociale et des Personnes Agées, montre que les Directions ont un déficit de personnel de 30% en moyenne.
Le système des adoptions nationales constitue également une source de préoccupation, en dépit des améliorations successives de son cadre législatif.
Sur la période 2005-2008, le nombre d’adoptions nationales a été constant, avec une moyenne de 1 300 adoptions par an. Malgré les changements apportés au cadre législatif sur la période 2009-2013 pour réduire la durée de la procédure d’adoption et augmenter le nombre d’adoptions, seuls 580 enfants ont été adoptés en 2013 selon les chiffres de l’Agence Roumaine de l’Adoption. Cette diminution vertigineuse est d’autant plus inquiétante que le nombre d’enfants placés sous la protection de l’Etat et adoptables a augmenté sur cette période.
Au vue de l’évolution des adoptions nationales et des statistiques relatives à la protection de l’enfance, la FONPC considère que le fait de réunir la Direction pour la Protection de l’Enfance et l’Office Roumain pour les Adoptions au sein d’une seule institution contribue à la cohérence du système de protection de l’enfance. Un tel système devrait permettre une meilleure identification des cas à risque, le renforcement des capacités des autorités locales, l’intégration des politiques familiales dans un cadre global de politiques sociales et le développement de services sociaux de proximité.
Nous souhaitons beaucoup de succès à l’Autorité Nationale pour la Protection des Droits de l’Enfant et l’Adoption ainsi qu’à sa Présidente Gabriela Coman. Nous exprimons encore une fois notre volonté de contribuer avec l’expérience et l’expertise des organisations non gouvernementales membres de la FONPC au développement d’un système cohérent garant des droits de l’enfant en Roumanie.
Au nom des 75 organisations non gouvernementales de promotion, protection et suivi des droits de l’enfant,
Daniela Buzducea – Vice-présidente de la FONPC
Ionut Jugureanu – Vice-président de la FONPC
Daniela Gheorghe – Directrice exécutive de la FONPC