Dans le centre thérapeutique de Targu Jiu, construit et équipé par SERA ROMANIA en 2003, 60 enfants en grande difficulté sont pris en charge quotidiennement par des hommes et des femmes qui partagent leurs vies entre deux familles : celles qu’ils retrouvent le soir, et les enfants du centre. Travailler avec des enfants immobilisés, prisonniers de fauteuils roulants ou alités, ou des enfants ayant une déficience intellectuelle, avec lesquels il est difficile de communiquer, est difficile d’un point de vue physique et émotionnel. Mais malgré toutes ces difficultés, chaque employé du centre confie qu’il est impossible de ne pas s’attacher aux enfants.
Certains des enfants sont arrivés à Targu Jiu en 2003, transférés du camin spital de Bilteni, département de Gorj, dans lequel des centaines d’adultes et d’enfants vivaient ensembles dans des conditions difficiles à décrire. Une partie du personnel du camin spital a alors également été transférée avec les enfants, aujourd’hui ils continuent de s’occuper des enfants et se réjouissent de chaque progrès accompli.
Vasilica Florea, 37 ans, et Mihaela Plesoaica, 44 ans, sont deux éducatrices du Complexe pour enfants en situation de handicap de Targu Jiu. Toutes deux ont travaillé dans l’ancien camin spital de Bilteni.
17 ans aux côtés des enfants
Vasilica Florea a rejoint le secteur de la protection de l’enfance immédiatement après sa sortie du lycée, à 19 ans, elle se souvient des débuts de Bilteni comme d’un « choc » qui l’a profondément marquée. « Je travaille depuis 17 ans avec des enfants. J’ai commencé à 19 ans, en tant qu’infirmière dans le camin spital de Bilteni. Le premier jour, quand je suis arrivée au camin spital, j’ai été impressionnée par les enfants en situation de handicap. C’était un choc pour moi qui était habituée aux enfants « normaux » de me retrouver au milieu d’enfants handicapés », confie Vasilica, qui a pris soin pendant huit ans, de 1995 à 2003, de petits en situation de handicap placés dans l’ancien camin spital.
Vasilica est arrivée en 2003 dans le Complexe de Targu Jiu avec une partie des enfants transférés. A l’époque, une partie des pensionnaires a été transférée dans d’autres centres, d’autres ont été réintégrés dans leurs familles biologiques, Vasilica, elle, a continué de travailler dans la Complexe pour aider les enfants en difficulté, elle est aujourd’hui éducatrice.
Elle reconnaît que pour ces enfants les progrès sont difficiles, même si le centre dispose des meilleurs services de rééducation de la ville. Mais il existe également des exemples porteurs d’espoir : Robert, un garçon complétement immobilisé quand il a été transféré de Bilteni, après plusieurs années de rééducation, il peut aujourd’hui se déplacer avec juste un peu de soutien. « A Bilteni c’était le désordre, il y avait trop d’enfants, c’était difficile de s’occuper de tous. Ici, les conditions sont bien meilleures », estime l’éducatrice. Vasilica Florea a une fille de 14 ans, et confie qu’elle se réjouit tous les soirs quand elle rentre chez elle car sa fille est en bonne santé et n’a aucun handicap.
20 ans au service des enfants en situation de handicap
A ses côtés, dans une des salles d’activité du Complexe de Targu Jiu, deux autres femmes s’occupent d’une dizaine d’enfants en situation de handicap, chacun avec ses difficultés particulières, ses propres obsessions et besoins d’attention. Une d’entre elle a travaillé à Bilteni. Mihaela Plesoaica a 44 ans et travaille depuis 20 ans avec les enfants en situation de handicap.
« Ces enfants sont une partie importante de nos vies. Pensez que nous passons la moitié de notre temps ici, dans le centre. Nous travaillons 12 heures, quand on arrive à la maison après toutes ces heures on est extenué », dit Mihaela, maman de trois enfants.
« Le plus dur pour moi c’est qu’il y a toujours de nouveaux cas, j’aimerais ne plus voir de nouveaux petits en souffrance », témoigne l’éducatrice. Elle pense notamment au cas d’une fillette de 10 ans qui a rejoint le centre depuis novembre 2013. La fillette a été opérée d’une tumeur au cerveau mais ses chances de survie sont minces.
Les deux femmes confient que pour travailler avec des enfants ayant des handicaps sévères et pouvoir résister quotidiennement plus de 12 heures il faut plus que de la responsabilité, il faut également des qualités de patience, d’altruisme et de don de soi. Elles reconnaissent aussi qu’en travaillant aux côtés de ces enfants, elles ont appris à apprécier ce que leur offre la vie.
Bilteni, une histoire triste : « les enfants mourraient littéralement de froid dans une pauvreté absolue »
Le camin spital de Bilteni accueillait plus de 200 enfants et adultes en situation de handicap, abandonnés par leurs familles. Bilteni a été le premier lieu d’intervention de SERA ROMANIA. Notre équipe a découvert cet établissement par hasard en décembre 1990. « Il faisait extrêmement froid, entre -20 et -25 degrés et nous avons découvert l’horreur : des enfants qui mourraient littéralement de froid, dans une pauvreté absolue. Les imagines étaient les mêmes que celles diffusées à la télévision à cette période ». (Extrait d’un rapport de mission SERA de 1996).
Bilteni est l’établissement dans lequel SERA ROMANIA a le plus investi : près de deux millions d’euros entre 1990 et 2002. Durant ces douze années, SERA a voulu prouvé qu’aucun enfant n’est irrécupérable en soutenant à grande échelle cette institution aux graves défauts structurels.
La restructuration, un exemple de bonne pratique au niveau national
En 2002, une restructuration d’envergure du camin spital a été conduite par SERA et est devenue un exemple pour l’ensemble du pays. L’institution a été divisée en trois structures :
- 53 enfants ont été transférés dans un nouveau bâtiment construit par SERA à Targu Jiu. Aujourd’hui, le complexe de Targu Jiu offre également des soins de rééducation pour 50 enfants venant de familles.
- 30 adultes ont intégrés une école professionnelle où ils ont appris un métier.
- Plus de 100 adultes, avec les handicaps les plus graves, ont été transférés dans un bâtiment rénové par SERA à Targu Jiu.
Le budget pour le projet de fermeture du camin spital de Bilteni et le transfert des adultes s’est élevé à 650. 000 euros, 400. 000 euros apportés par SERA et 250. 000 par le Conseil Général de Gorj.
Entre 1990 et 2012 plus de 3,5 millions d’euros ont été investis à Bilteni.